Voici une version à peine modifiée d'une des chroniques de l' empire des sombres publiée déjà dans un article du 10 décembre 2013 où il s'agissait pour moi d' illustrer la solitude d'un individu dans un état totalitaire.
J' écrivais alors :
"ce dixième haïkufable comme les précédents qui concernaient l'empire des Sombres a, d'une part pour but de représenter l'incertain du monde dans lequel nous vivons et, d'autre part d'illustrer les loi n°1 et °13 de mon modeste traité politique que vous pouvez parcourir dans son intégralité en suivant le lien suivant : http://fr.calameo.com/publish/books/convert.php?sid=e5a687ddd3e27b7cc953bd97f7ffb078&bkcode=000195935c7a3c2e5eed7
« Loi n°1) Dans les régimes totalitaires, l'élimination physique des opposants est universelle.
Corollaire1) l'opposant est défini soit de manière ethnique, soit et/ou sociale soit et/ou économique.
Corollaire 2) S'il est défini de manière économique et sociale, tout le monde , à tout moment peut être considéré comme opposant.
Commentaire: l'élimination des opposants est donc bien une loi universelle. »
« Loi n°13) L'universelle surveillance des citoyens explique la durée des régimes totalitaires qui savent se préserver de la guerre mais ne suffit pas à leur assurer une durée de vie comparable à celle des démocraties.
Commentaire: Les citoyens y sont atomisés, réduits à leur solitude, sans espoir d'action collective de protestation, sans aucun autre horizon que celui de cette surveillance universelle. Ils se réfugient donc dans une désertion passive vis à vis de cette dictature qui ne reçoit d'eux aucun soutien si ce n'est de façade.
Aujourd'hui comme le démontrent les soulèvements des peuples du Maghreb et du Machreq les citoyens ont a leur disposition une arme qui leur permet de sortir de leur atomisation, de leur isolement, de rendre moins pérennes les régimes totalitaires : l'arme des réseaux sociaux sur internet et sur téléphone mobile dans la mesure où il est plus difficile de les censurer que les médias traditionnels. »
Il me semble que je me montrais un peu optimiste dans la mesure où ces gouvernements savent de mieux en mieux contrôler ces réseaux sociaux et y diffuser ces fameuses fausses nouvelles. Inutile d'utiliser les termes de langue anglo-américaine qui n' ajoutent rien à leur réalité et à leur fausseté si ce n'est de leur donner un petit caractère exotique et quasi " scientifique" renforçant leur pseudo-authenticité.
Ce qui a permis à un homme sans éthique ni honnêteté comme Trump de les utiliser à son avantage faisant la démonstration que les USA ne sont qu'une démocratie de façade où des maffias se battent sans merci pour avoir le pouvoir et l' utiliser à leur avantage, comme dans cette série emblématique de ce qu'est devenu ce pays, Game of thrones.
*
Cette nuit-là Soma Antograpert se réveilla vers trois heures comme à son habitude
Avant de se rendormir il lui sembla entendre un craquement qui
Lui parut somme toute naturel puisque le sol de son logement
Était entièrement revêtu de parquet
Il se rendormit sans autre forme de procès
Le matin en procédant à sa toilette il avait oublié ce craquement
Il partit vers son bureau du département des Vices de Forme
Sa journée se passa dans la routine accoutumée qui lui convenait
Le soir rentré chez lui il se prépara une soupe de légumes
Qu'il dégusta accompagnée d'un verre de vin gris
Tout en lisant le journal officiel du gouvernement des Sombres
Le seul autorisé même si un grand nombre de feuilles clandestines paraissait
Une annonce retint particulièrement son attention
Elle concernait l'activité de la mer des cendres
Qui semblait-il était entrée dans une phase de contraction
Mais les experts n'étaient pas d'accord entre eux
Quand il sentit ses paupières se fermaient malgré lui
Il alla se coucher en vérifiant la température de sa chambre
Qui était conforme aux recommandations des Sombres
Il s'endormit d'un coup
Vers trois heures dans la nuit il se réveilla
Il perçut le même craquement que la veille
Il pensa que c'était son parquet qui devait se déformer
Il attendit un peu avant de se rendormir
Il ne perçut pas d'autre craquement
Mais toute sorte de petits bruits
Frôlements bourdonnements bruissements froissements grincements crissements
Issus des abysses de la nuit qu'il n'avait pas pris la peine jusqu'ici d'épier
Qui ne le rassurèrent pas mais ne l'empêchèrent pas de s'enfouir dans le sommeil
Il se réveilla mal à l'aise
Quand il se leva il eut un vertige
Il lui sembla alors percevoir un craquement
Identique à celui qu'il avait entendu les nuits précédentes
Il chercha d'où il provenait
Sans doute de son parquet
Mais il supposa que rien n'était moins sûr même si
Son vertige passa
Il inspecta son appartement
Au fur et à mesure des ses déplacements son parquet craquait
Mais de craquements différents de ceux entendus dans la nuit
Il n'avait plus le temps de s'en préoccuper
Sinon il risquait d'être en retard à son bureau
Et d'être lourdement sanctionné par l'ablation d'une phalange de sa main gauche
Puisqu'il avait déjà accumulé dix retards depuis ses débuts
A ce bureau des Vices de Forme il y avait 25 ans déjà
Et qu'au-delà de 10 retards c'en était la sanction
Plusieurs de ses collègues avait d'ailleurs déjà subi cette ablation
Certains mêmes, surtout des employées avait été amputées de toutes leurs phalanges
Soma Antograpert arriva à temps à son travail
Il était installé à son bureau quand il entendit des pleurs venant du couloir
Il se leva ouvrit la porte de son minuscule cabinet
Il se trouva nez à nez avec Antonia Malfertis
Elle venait d'arriver en retard
C'était la onzième fois
Elle avait écopé de la peine prévue pour cet état de fait
Elle devait immédiatement se rendre à l'institut médico-légal
Pour subir une nouvelle amputation cette année
Elle montrait à Soma sa main gauche
Où tous les doigts étaient amputés d'une phalange
Il ne put la consoler avant que les agents arrivent pour l'emmener
Bouleversé il regagna son minuscule cabinet pompeusement qualifié de bureau
Il se replongea dans le dossier dont il avait la charge
Il s'agissait d'un immeuble où les malfaçons
Menaçaient de le transformer en ruine
Il rédigea son rapport qui concluait à l'arrestation de tous les propriétaires
Qui avaient tenté de les dissimuler
Comme il semblait s'agir d'une dissimulation en réunion
Il préconisa la peine maximale prévue à cet effet
Le déclassement de deux castes pour chaque copropriétaire
Une amende équivalent à 10 années de revenu sans retenir une peine d'emprisonnement
Il transmit ses conclusions et s'occupa d'un autre dossier
Dans la journée il reçut une convocation de son supérieur
Il avait été trop clément dans sa réquisition des peines
Voulait-il être considéré comme un complice de ces contrevenants
Soma répondit non
Alors il devait impérativement réviser ses réquisitions dans un sens moins laxiste
Il le savait le gouvernement des Sombres
N'avait rien tant en horreur que le laxisme et le laisser aller
A quoi avait tendance à céder un trop grand nombre des citoyens de l' empire
Laxisme et laisser-aller qui avait conduit à l'ère des machines arborescentes
A la terrible catastrophe qui avait manqué de peu
D'engloutir toute forme de vie humaine sur la planète
Soma Antograpert reprit son dossier
Et le corrigea dans le sens préconisé par son supérieur
Il transmit ses nouvelles réquisitions
Il fut derechef convoqué par son chef
Qui le félicita pour sa docilité
Et l'assura qu'il avait ainsi travaillé à sa prochaine promotion
Depuis combien de temps l'espérait-il
Il répondit qu'il l'attendait depuis son arrivée dans le service il y avait vingt cinq ans
Ne perdez plus patience ce sera pour bientôt affirma son supérieur
Rasséréné Soma regagna son bureau pour s'atteler à un autre dossier
Cette journée de travail qui n'avait pas commencé comme les autres
S' acheva heureusement dans cette routine qui le rassurait
Rentré chez lui il prépara sa soupe de légumes
Quand il huma la bonne odeur de chou
Il s'installa comme de coutume à la petite table de sa cuisine
Se servit à ras bord de sa soupe ouvrit le journal officiel
Et entreprit de manger et de lire en même temps
Il parcourut le nouvel article sur l'activité de la mer des cendres
Il semblait qu'une majorité d'experts penchait pour une expansion et non une contraction
Cela avait son importance parce que les conséquences étaient différentes dans chaque cas de figure
Si l'on était en présence d'une expansion le risque était l'ampleur de la vague annuelle
Qui pouvait submerger certaines parties de la digue
Et donc inonder les régions qu'elle protégeait
Notamment celle où vivait Soma Antograpert
Si l'on était en présence d'une contraction le risque était la survenue
D' effondrements de terrain inexplicables pouvant entraîner
L'écroulement d' un grand nombre de bâtiments
Comme beaucoup de ses concitoyens dans l'empire des Sombres
Soma Antograpert penchait pour le pire malgré
L'optimisme officiel recommandé par les autorités
Celui-ci ayant été à de trop nombreuses reprises contredit par les faits
Il se coucha en proie à des idées noires
Quand il se réveilla au cours de la nuit
Il dut attendre de longues minutes avant d'entendre le craquement
Il lui sembla qu'il ne venait pas de sa chambre mais du couloir
Il se leva et sortit de la pièce
Le parquet craqua mais d'une autre manière
Dans le couloir qu'il éclaira et qu'il parcourut de long en large
Il analysa les grincements des lattes du parquet
Ils n'avaient rien de commun avec ce craquement entendu depuis plusieurs nuits
Il était tard il était fatigué il renonça à toute autre investigation et se recoucha
En se promettant de s'occuper de ce problème dans les jours qui venaient
Le lendemain après sa journée de travail il regagna son domicile en toute hâte
Il s'installa dans le couloir et attendit que le craquement se fasse entendre
Son attente fut vaine
Déçu mais rassuré il prépara sa soupe
Comme de coutume il s'installa à sa table avec le journal officiel
Il lut le dernier article sur la mer des cendres
Qui indiquait que de nouvelles mesures semblaient démontrer
Que la mer des cendres avait une activité conforme à elle des années précédentes
Il n'était plus question de contraction ni d'expansion
Il avait acheté une des feuilles non officielles malgré les risques encourus
Dans un entrefilet où l'encre avait bavé rendant sa lecture difficile
Il crut comprendre qu'un grave problème était survenu dans la ville d'Artchipine
Il ne put deviner de quelle nature était ce problème
Il vérifia sur le journal officiel si cette information apparaissait
La seule mention faite sur cette ville était que des agents des forces de l'ordre
Avaient été envoyés en renfort
L' article ne précisait pas pourquoi
Soma Antograpert se promit d'éclairer sa lanterne le lendemain
En achetant toutes les publications clandestines
Il prendrait ses précautions en se rendant dans divers quartiers de la ville pour ce faire
Dans la nuit il fut réveillé par le craquement
Qu'il avait attendu en vain en rentrant de son travail
Il en avait la certitude à présent
Le craquement venait du couloir et il n'avait rien à voir avec son parquet
Il se leva pour arpenter ce fameux couloir
Son éclairage n'était pas approprié pour ses recherches
Le craquement ne se renouvela pas
Il dut se résoudre à se coucher
Il mit son réveil une heure plus tôt que de coutume pour continuer ses investigations
La lumière du jour n'était guère plus lumineuse que la lumière artificielle de son éclairage
Par chance le craquement se fit entendre derrière lui
Il se retourna mais il ne vit rien de plus que son mur aveugle
Perplexe il se rendit à son bureau
En chemin il acheta comme il se l'était promis
Tous les journaux clandestins qu'il put trouver
Il les dissimula sous son pardessus
Au bureau il n'eut qu'une hâte
Celle de terminer sa journée qui bien entendu se révéla interminable
D'autant qu'il eut aussi à consoler Antonia Malfertis
Qui lui présenta sa main enveloppée dans un pansement qui témoignait de son amputation
Il se précipita dans son appartement
Ne prit même pas la peine de préparer sa soupe
Et se lança dans la lecture des journaux clandestins
L'un d'eux signalait bien l'envoie de renforts dans la ville d' Artchipine sans préciser la raison
Un autre indiquait que la situation était préoccupante non pas en Artchipine
Mais à Sclandérosse toujours sans en indiquer la raison
Les autres parlaient d' un problème survenu dans d'autres villes sans donner leur nom
Ni en communiquer les causes
Soma était déçu
Il prépara son repas et tandis qu'il mangeait il feuilleta le journal officiel
Un nouvel article présentait la situation de la mer des cendres comme redevenue stable
Après une courte période d'instabilité qui avait mobilisé ses experts
Il s'installa dans son couloir face au mur maître
D'où lui avait paru provenir la veille le craquement
Il attendit un long moment avant de percevoir celui-ci
Qui à n'en pas douter venait bien de cette paroi
Il s'approcha ausculta le mur
Mais ne décela aucune anomalie
Quelle cause provoquait ce craquement y avait-il le moindre danger
Il ne pouvait répondre à ces questions
Il était plongé dans une profonde incertitude
Il alla se coucher mais il eut du mal à s'endormir
Il dormit d'un sommeil agité réveillé à de multiples reprises
Par de nouveaux craquements dont il ne put déterminer s'ils étaient réels
Ou le fruit de son inquiétude
Le matin il inspecta sa paroi sans découvrir le moindre indice
Il se demanda si un semblable phénomène se produisait chez ses voisins
Il n'osa pas les questionner de peur de paraître trop intrusif et
Aussi de peur d'une éventuelle dénonciation pour
Ne pas en avoir référé en premier lieu aux autorités compétentes
Le gouvernement des Sombres se montrant particulièrement vétilleux
Quand un citoyen demandait l'aide d'autres citoyens plutôt que de signaler
Sans atermoiement le problème auquel il se trouvait confronté
Au travail il ne put cacher son inquiétude
Mais nul ne lui en demanda la raison
Que d'ailleurs il n'aurait pas osé donner
Il regagna son logement soulagé en même temps que préoccupé
Pour la première fois depuis des mois le départ de sa femme lui pesait
Où pouvait-elle être il avait cherché pendant des semaines et des semaines
Sans pouvoir trouver de réponse
Elle l'avait quitté d'un coup sans le moindre indice que telle était son intention
Il avait bien senti qu'elle était moins disponible depuis quelque temps
Mais il n'avait pas voulu prêter attention à ce fait comme à d'autres indices
Depuis il était très attentif au moindre changement dans sa vie
C'est pourquoi il avait immédiatement compris que ce craquement n'avait rien d'inoffensif
Il lui restait à en déterminer la cause pour y pallier et en finir avec lui
Il s'installa dans son couloir attentif au moindre bruit
Il survola les journaux non officiels qu'il s'était procurés
De nouveau ils évoquaient des situations préoccupantes dans telle ou telle ville
Où le couvre-feu avait été proclamé et la censure renforcée
Ils ne pouvaient en dire plus
Le journal officiel se contentait de signaler que le gouvernement des Sombres
Prenait les mesures nécessaires pour remédier à certains problèmes peu importants
Qui étaient apparus dans la contrée
Un des Sombres avait même quitté la capitale pour se rendre sur place
Et mesurer l'adéquation des mesures prises avec les problèmes survenus
Il entendit à ce moment le craquement il jugea qu'il était plus fort
Et qu'il provenait du bas du mur
Il s'approcha et ausculta celui-ci muni d'une lampe
Qui lui permit de déceler une mince fissure
Elle semblait superficielle peu proportionnée à la force du craquement
Il est vrai pensa-t-il qu'il était en présence d'un mur maître
Celui de la façade arrière de l'immeuble
Il n'y avait donc rien à craindre
Rassuré du résultat de ses investigations il se coucha moins préoccupé
Son sommeil fut paisible
Il fut réveillé au cours de la nuit par un nouveau craquement
D'une force qui lui sembla plus importante
Il se rendit dans le couloir
Il se pencha sur l'emplacement de la fissure
Elle ne s'était pas approfondie mais allongée vers le haut
Il devait impérativement le lendemain prendre des mesures pour la colmater
Quand le jour apparut Soma se rendit compte que la fissure zébrait toute la hauteur de la paroi
Elle était superficielle en apparence mais avait gagné en étendue
Il devait se procurer l'enduit et la peinture pour en effacer toutes traces
Il songea à demander à ses voisins du dessus et du dessous s'ils
Étaient confrontés à semblable phénomène
Une nouvelle fois il n'osa pas
Quelles seraient leurs réactions
Lui avoueraient ils la vérité la lui dissimuleraient-ils
Il n'était sûr de rien
Plus grave il pourrait être l'objet d'une dénonciation de leur part
Pour être bien notés par le chef de bloc et les autorités
Et lui se retrouver dans les camps de travail pour non-respect des lois de l'empire
Dont la rumeur prétendait qu'ils étaient impossible de les quitter
Si ce n'était dans un cercueil
Il devrait donc être prudent concernant l'achat de l'enduit et de la peinture
Les acheter par exemple dans des magasins différents à des jours différents
Ce jour-là il se procura l'enduit
Pour ne pas éveiller les soupçons il choisit le bidon d'un demi-litre
Au bureau il le dissimula dans un tiroir qu'il ferma à clé
Tout en sachant que si on s'apercevait que son tiroir était fermé à clé
Il risquait d' éveiller les soupçons et d'être contraint d'ouvrir son tiroir pour montrer
Qu'il ne contenait qu'un bidon d'enduit inoffensif
Par chance cela ne se produisit pas
Sa journée fut illuminée par la découverte qu' Antonia Malfertis
Ne cherchait de réconfort qu'auprès de lui
Elle lui avait laissé prendre sa main mutilée où manquaient plusieurs phalanges
Et l'avait laissé la caresser en lui avouant dans un soupir
Qu'elle était soulagée qu'il ne la repoussât pas
Qu' elle ne lui parût pas monstrueuse avec toutes ses phalanges en moins
Comme d'autres collègues de travail
Elle l'avait invité à venir dîner chez elle ce qu'il avait accepté
Il en avait oublié son craquement sa fissure et son enduit
En quittant le bureau avec elle il s'était senti débarrassé d'un poids
Il avait osé lui prendre la main
Elle s'était abandonnée contre lui
Pendant qu'ils gagnaient son domicile à pied
De son index raccourci par l'amputation d'une phalange
Elle lui caressait la paume
Il était transporté dans un monde qu' il ne connaissait pas
Où il lui semblait entendre une musique qui émanait d'elle
Qu'il était le seul à entendre et qui le ravissait
Il avait pensé soudain que ce devait être cela l'amour
Qu'il l'aimait et qu'elle l'aimait
Puisque tout son être chantait pour lui
Il ne regagna pas son domicile cette nuit-là
Il n'entendit aucun craquement
Il n'entendit que la musique du corps d’ Antonia qui vibrait sous son étreinte
Au diapason du sien
Au matin il la quitta à regret pour regagner son logis
En bas de l'immeuble il croisa Stigur Landerson le chef de bloc déjà ivre
Un court instant il songea à lui parler de sa fissure
Il y renonça avec un regret indéfinissable
Qui lui sembla annonciateur d' occurrences amères
Chez lui il constata que la fissure était plus profonde
Son bidon ne fut pas suffisant pour la combler
Il ne s'en inquiéta pas outre mesure puisqu'il avait en perspective de retrouver Antonia
En se rendant au bureau il acheta dans le même magasin un bidon plus grand d'enduit
La journée passa dans un souffle
Celui d'Antonia penchée au-dessus de son épaule sur son cou
La nuit se déploya au rythme de leur désir
Ils décidèrent qu'il quitterait son logement pour venir habiter définitivement chez elle
Ils passeraient après leur travail au bureau des contrats pour officialiser leur couple
Quand il rentra dans son appartement il eut un choc
La fissure s'était élargie en une profonde lézarde
Il pouvait presque deviner le jour à travers elle
Il essaya de la combler
Il n'y parvint qu'en partie il lui manquait de l'enduit
Il n'aurait qu'à en acheter un plus gros bidon voire plusieurs pensa-t-il
Il n'était pas trop inquiet puisqu'il allait abandonner cet appartement
En quittant l'immeuble il heurta son voisin du dessus
Il s'excusa celui-ci gêné le quitta précipitamment
Soma eut le temps de voir ce qui lui sembla être un bidon d'enduit
Il se débarrassa de cette constatation sans y réfléchir
Au passage il acheta un journal clandestin attiré par le titre de la une
Ècroulements en série en Artchipine
En fait l'article n'était qu'un démenti du titre
Précisant qu'il ne s'agissait que d'une rumeur infondée
Le journal officiel annonçait l'arrestation de plusieurs personnes
Accusées de conspiration contre le gouvernement des Sombres
Elles avaient fait courir des rumeurs infondées
Sur de prétendues menaces sans autres précisions
Occasionnées par une importante activité de la mer des cendres
Après la fin de leur travail Antonia et Soma se rendirent au bureau des contrats
Où ils firent leur demande de contrat conjugal
Comme ils appartenaient à la même administration
Ils devaient attendre l'enquête qui entérinerait leur demande
En attendant ils étaient autorisés à vivre ensemble
Ils déclarèrent l'adresse d' Antonia
A partir de quand Soma Antograpert quitterait-il son logement
Il donna comme date la fin du mois on était le 18
Antonia lui proposa de passer chez lui pour l'aider à commencer à déménager ses affaires
Il déclina l'offre en lui disant qu'ils avaient mieux à faire
Le lendemain matin il se rendit à son domicile
Il constata avec une certaine frayeur que son mur était entièrement fissuré
Il voyait à travers le ciel gris chargé des nuages gris venus de la mer des cendres
Il aurait beau faire il ne pourrait combler ce qui était devenu une brèche
Il était trop tard pour prévenir le chef de bloc
Il regretta ne pas l'avoir fait quand il l'avait rencontré au pied de son immeuble
Ce jour où il revenait de chez Antonia
Est-ce que ses voisins étaient confrontés au même problème
Il se souvint qu'il avait cru apercevoir dans les mains de son voisin du dessous un bidon d'enduit
Il décida d'aller le voir pour avoir confirmation
Que lui aussi était confronté à une lézarde qui
Se transformait en brèche impossible à combler
Il sonna à sa porte
Il dut attendre un long moment
Il sentit que quelqu'un l'épiait derrière la porte
C'était son voisin qui se décida finalement à ouvrir
Soma s'excusa pour son intrusion
Il lui fit connaître qu'il avait un problème avec un de ses murs
Est-ce que c'était la même chose pour lui
Celui-ci nia énergiquement et lui claqua la porte au nez
Sa réaction ne surpris pas Soma son voisin avait peur d'une dénonciation
Soma pouvait être un mouchard comme il y en avait tant
Il n'était pas question pour lui de reconnaître un fait aussi grave
Qu'il n'avait pas immédiatement révélé aux autorités
Soma Antograpert ne savait plus que faire
Il descendit contourna l'immeuble pour en vérifier la façade arrière
Avec angoisse il s'aperçut que toute la façade était lézardée
Il eut l'idée de vérifier si c'était aussi le cas de la façade arrière de l'immeuble le plus proche
C'était bien le cas comme c'était le cas de tous les autres immeubles du bloc
Pourtant il apparaissait que les autorités n'étaient pas alertées
Pourquoi le chef de bloc n'avait pas prévenu celles-ci
Il est vrai que c'était un ivrogne patenté qui avait du mal à faire trois pas en équilibre
Soma jugea qu'il devait se rendre au commissariat pour signaler ces lézardes
Qui mettaient en danger l'équilibre de tous ces immeubles
Au commissariat on l'écouta avec attention
Ces propos provoquèrent un branle bas
Il fut immédiatement placé dans une cellule de sécurité
Il demanda à ce que l'on prévienne Antonia son épouse
Il n'obtint qu'une fin de non-recevoir
Le jour suivant il fut extrait de sa cellule et placé dans un fourgon
Sans qu'on lui précisât malgré la loi qui en faisait obligation
Sa destination le motif de son arrestation le pourquoi de sa déportation
Loin d' Antonia à qui il pensa dans un nuage de désolation
Qui ouvrit les portes des larmes de son chagrin
Pendant le trajet il crut apercevoir en passant devant son bloc d'immeubles
Que celui-ci n'était plus qu'un immense tas de gravats
La route qu'ils empruntaient était défoncée
A plusieurs reprises le fourgon dut faire machine arrière
Il demanda à ses gardiens ce qui s'était passé
Le premier mit sa main devant sa bouche
Le second sa main devant ses yeux
Le troisième prit les mains de Soma et les posa sur ses oreilles
L’ empêchant d’ entendre
Ce qu’il disait
dans sa langue de muet
Sur les débuts de l’ effondrement de la mer des cendres